Repenser le crédit bancaire en RDC

On ne le dira jamais assez, l’économie congolaise contraste avec son potentiel humain et ses ressources naturelles. D’où, pensons-nous, la nécessité de revoir le système actuel d’accès au crédit afin de sauver cette économie. Alors que  la situation d’un pays normal est d’avoir de quoi importer ce dont il a besoin pendant quinze semaines en moyenne, pour parler en termes de croissance économique  et de développement, les réserves congolaises, elles, ne dépassent pas deux milliards de dollars, soit neuf semaines d’importations. C’est le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Déogratias Mutombo Mwana Nyembo, qui le dit. L’inclusion  financière  de la  population congolaise, quant à elle, était estimée à 5% en  2013 grâce à la bancarisation  des fonctionnaires.    Telles de petites agences des banques  occidentales, les dix-huit banques implantées au Congo  représentent  seulement  quatre milliards de dollars ! Cette   photographie  dévoile bien la santé précaire du système  financier congolais. Pour  y remédier, à notre humble  avis, il n’y a qu’un seul  moyen : repenser le crédit en RDC.

En économie, on dit souvent que « la finance est pour un pays ce qu’est le sang pour le corps humain ». Ceci pour signifier que,  sans endettement, on ne  peut  imaginer la croissance  ou le développement. « Comment comprendre qu’ailleurs on applique du 9%, 6% , voire 4% sur  le long  terme, pendant qu’en  RDC  les taux  d’emprunt sont, non seulement exorbitants, mais  également remboursables  à très court terme : 36%, 24% et 16%  sur  un, deux, voire trois ans  seulement ? Plus qu’un blocage, c’est du verrou  et du  calage », s’est emporté Bondo Shabani, jeune entrepreneur  à Goma, au cours d’un débat sur le sujet.

Du côté  des banquiers congolais, le problème  est ailleurs. L’inclusion  financière est quasi-inexistante. « Où tirer l’argent à prêter si les gens n’épargnent  pas ? L’épargne  est rare. Le crédit  aux PME  et grandes entreprises est quasi- insuffisant à cause du manque de liquidité. Nous ne recevons pas assez de dépôts pour prétendre gérer  le risque  prudentiel en octroyant des crédits vaille que vaille. Nous nous  devons de protéger la fortune du petit nombre de nos clients ». Propos de Michel Losembe, président de l’Association congolaise des banques au cours d’une interview parue dans un journal local en mai 2014.  Mais un analyste économique pense que les banques  congolaises  ne veulent  pas prendre de risque. « Aucune banque ne finance des projets. Elles se limitent  à financer  le fonds de roulement des entreprises  qui existent déjà sans se demander comment elles ont fait  pour atteindre ce cap. C’est une attitude qui frise la peur du risque, facteur  favorisant  l’enrichissement  des riches », relève-t-il.

En RDC, le proverbe  qui dit qu’on ne prête qu’aux riches semble trouver son champ d’application  face à cette attitude d’austérité,  d’inflexibilité et de rigidité des institutions financières pour octroyer des crédits. la population pense que  la banque est faite  pour les nantis, les grandes entreprises. Cette impression  fait naître  en elle un sentiment  d’exclusion  des économiquement faibles. En réaction, elle thésaurise  son argent en le gardant  sous le matelas. Une vérité semble  être oubliée  ici : c’est l’ensemble  des épargnants d’une nation qui  constitue  un bon  portefeuille  crédit des institutions financières et non les dépôts d’une infime partie  de cette  population,  grands investisseurs soient-ils.

Nombre de Congolais évoluent  dans l’informel pour des raisons multiples : climat des affaires malsain, fiscalité à outrance  ou surtaxe,  justice à sens unique, instabilité et insécurité permanente. Pour vivre heureux, vivons cachés, n’est-ce pas ? Il vaut mieux pour un investisseur  de démarrer ses affaires loin des caméras  plutôt que de faire du  tapage médiatique. Ceci en vue  d’échapper à une multitude de taxes et redevances sans contrepartie équivalente. Oubliant  que cela leur ferme les portes  de la croissance. «  Je refuse  de payer la taxe d’entretien  routier car j’exerce mes activités sur le lac ! » Ainsi se défendait un armateur, propriétaire  d’un bateau  transportant des personnes  et des biens  sur le lac Kivu. Trop d’impôts tuent l’impôt en RDC. Travailler  dans l’informel paie, mais est-ce qu’on  s’épanouit financièrement ? Cette manière  de faire a une lourde conséquence : le blocage financier. Les banques n’ouvrent  leurs portes  qu’aux clients en règle avec la loi. Ici l’État a le devoir  d’instaurer  un bon climat des affaires qui mettra en confiance les investisseurs et les banques,  en réduisant la tendance vers l’informel, ce qui pourra accroître la production  locale et générera également de  l’épargne . Car n’épargne pas qui veut, mais qui  peut. Qui dit liquidités, dit  devises, ce qui  sous-entend rapatriement des fonds tirés des exportations. Or, il n’est un secret pour personne  que l’économie congolaise est extravertie : le pays importe beaucoup plus qu’il n’exporte, malgré  d’abondantes ressources de son sol et de son sous-sol.

Les conflits, guerres et autres tensions qui minent  le Congo  sont à l’aune du statu quo dans le secteur de la production  locale à grande échelle. La Banque centrale, en agissant sur le taux  directeur, pourrait exercer  une pression suffisante pour que baissent les taux d’intérêt  des banques commerciales. L’économiste Laurent Essolomwa pense que l’intégration financière reste, à n’en point douter, un gage de développement économique. Le crédit créant la richesse, le système bancaire  doit être restructuré pour créer cette richesse en RDC .C’est pour le bien-être de toute la population, en réduisant la  pauvreté et en résorbant le chômage.